De l'utilité du chômage et de la précarité: le NAIRU...

Bonjour,

je me permets d'intervenir sur ce forum pour, d'une part, soutenir votre action contre le CPE, et d'autre part donner quelques pistes de réflexion plus générales sur les rôles du chômage et de la précarité dans la société actuelle dominée par une certaine conception de l'économie...

Ingénieur et ex-cadre dans plusieurs multinationales, je mène depuis pas mal de temps une recherche-enquête autour d'un concept méconnu du grand public: le NAIRU (Non Accelerating Inflation Rate of Unemployment), soit le taux de chômage MINIMUM que les économistes estiment compatibles avec la stabilité de l'inflation. L'idée est que le chômage n'est pas qu'un Fléau ou un Cancer, comme on l'entend depuis 25 ans, mais un outil, un instrument visant à faire pression sur le marché du travail et à rendre les salariés (et futurs salariés pour ce qui vous concerne) plus "dociles". Tout comme le devient actuellement (mais ce n'est qu'une évolution tout à fait prévisible!) la Précarité Généralisée au travers du CPE, mais aussi du CNE et de toutes les "réformes" du marché du travail.

Tapez NAIRU dans Google et vous serez surpris par l'omniprésence du concept dans certains milieux... qui contratse avec son absence totale dans les discours politiquement corrects!

Pour dénoncer l'usage de ce concept et le mettre au coeur de la place publique, j'ai démarré un blog en Septembre 2005, puis deux sites satellites.

Pour ceux qui seraient intéressés d'en savoir plus sur cet étonnant sujet (que j'ai découvert par hasard moi même il y a 4 ans), je vous indique les adresses de ces sites:

http://lenairu.blogspot.com

http://lenairu.free.fr

http://linflation.free.fr

Parce qu'il est important de comprendre les règles du jeu auquel on vous demande (et même impose) de jouer, j'espère que certains d'entre vous auront l'énergie de creuser le sujet, et s'ils le jugent nécessaire, d'en informer leur entourage...

Cordialement et courage encore pour vos actions!!

Guillaume de Baskerville (allez sur mes sites, vous comprendrez le pourquoi de ce pseudo...)

PS: pour ceux qui seraient plus enclins à écouter qu'à lire, j'ai donné une conférence sur le sujet à Strasbourg il y a peu, elle est écoutable en ligne ici:
http://lenairu.free.fr/pages/ressources_audiopag.html

PUTAIN...Mais je rêve ! Oui, le CPE ou le CNE ca craint... mais faut arrêter !Tous les patrons ne sont pas des cons, et des grands méchants loups qui voudraient bien se faire quelques petits moutons salariés.... Oh, on est sur terre ici, pas sur Mars...

En France, il existe 80% des patrons qui ne sont que des artisans, des commerçants, des agriculteurs, des micro entreprises,... qui n'ont qu'un objectif : faire tourner une affaire afin de pouvoir en retirer un salaire ( souvent en deça du SMIC)... Alors, oui, y a des salauds. Mais arrêter les amalgames... ça deviens trop extrême et donc dangereux

Au contraire, si vous daignez lire et essayer de comprendre ce qui est derrière ce concept, vous percevrez peut-être que l'opposition n'est (pas ou plus) entre "patrons et salariés" mais plutôt entre ceux qui ont à gagner d'un capitalisme purement financier et les autres. Et dans les autres, il y a autant de "petits patrons" que de salariés précaires (jeunes ou moins jeunes) et de chômeurs...

Certes, le monde actuel n'est simple à cerner, mais il faut parfois faire table rase de ses à priori lorsque ces à priori n'ont pas réussi à expliquer depuis trente ans une situation donnée: par exemple pourquoi le chômage chronique est devenu la norme... malgré tous les discours et tous les supposés "remèdes" .

La pertinence d'un raisonnement n'étant bien sûr en rien accrue par l'emploi d'un langage spectaculairement énervé, mais bien plutôt par des éléments tangibles calmement mis en perspective et offerts à l'évaluation...

Ce qui est le sens de mon travail au travers de ces sites.

Cordialement.

Guillaume de Baskerville

Sur ce concept de taux de chomage minimum y a au moins un truc qui me parait clair : un taux de chomage un minimum élevé, couplé à contrats protégeant peu ou mal le salarié permet aux employeurs de maintenir une pression constante sur les conditions de travail (salaires, nombre d'heures, protection sociale, sécurité au travail...), en jouant sur la peur du chômage...
Dans les pays aujourd'hui donnés en exemple, comme le Royaume Uni, c'est cette combinaison qui est utilisé pour maintenir une proportion croissante d'individus dans un état de précarité permanente, et pour remettre en place uen véritable classe de travailleurs pauvres, incapables de subvenir à leurs besoins fondamentaux. (sources absentes dsl, cf. sur un topic voisin pour le taux de pauvreté extrème aux EU soumis à des politiques comparables)

Il y a deux fois moins de chomage en Angleterre, la flexibilité est forte et il y fait bon vivre.

Ah, les chiffres du chômage, une conférence serait utile pour y voir plus clair.

En GB, il y a 4 millions de personnes classées "personnes handicapées"... De plus, quand l'indemnité chômage est de 400 euros par mois pour une durée limitée, vous admettrez compréhensible que certains ne s'inscrivent pas...

MAis il est vrai que le taux de chômage officiel français représente la moitié de la réalité. Pour avoir écrit que le chômage concernait 7 millions de personnes en France, un certain Henri Guaino (l'inspirateur du concept de la fracture sociale de Chirac) fut... viré en 97 et le rapport (que je vous conseille de lire) "Chômage, le cas français" mis sous embargo. Adressez vous au cabinet du prmeier ministre, il leur en reste plein dans les armoires... J'en ai deux, de vrais collectors!

Si l'Angleterre est un paradis, le mieux est d'aller y vivre (comme d'ailleurs la Chine, ce pays fantastique où la "sainte croissance" est si incroyablement forte à écouter les médias)...

J'ai rencontré en Indonésie un couple d'anglais qui, ne pouvant plus se loger autour de Londres qu'au prix de loyers exorbitants et de temps de déplacements effrayants, s'exilait en Nouvelle Zélande... Pour se faire soigner les dents, des files d'attentes de six mois ne sont pas rares... Le "bon vivre" dépend de qui vous êtes, là encore plus que chez nous. Vous voyez, les points de vue pris un par un peuvent être différents... mais si vous avez des entrées pour bosser à la City, allez-y vite!

Mais au fait, le sujet était "pourquoi un concept comme le NAIRU, inconnu sur la place publique", est-il aussi utilisé par des organismes orientant les politiques économiques (Allez sur le site du Sénat, 33 documents contenant NAIRU y seront servis...)?

Guillaume de Baskerville

Si le NAIRU permet aux travailleurs de s'automotiver et de travailler plus, et donc de rendre le pays plus compétitif et plus efficace, ce qui profite à absolument tous les habitants du pays, en quoi ce concept est-il un problème ?

S'automotiver? Euh... A la vérité, votre réponse illustre remarquablement (sans doute involontairement) un de mes points de recherche sur ce sujet du NAIRU.

Digression rapide: Les champions incontestés des sacrifices humains ont été les Aztèques, avant la conquête espagnole. Les estimations du nombre de sacrifiés tournent autour de cinquante mille par an. Lors de certains jours de fête, on tuait jusqu'à vingt mille hommes. Les conquistadores espagnols ont pu dénombrer cent-trente-six mille têtes coupées en un seul endroit. Et ces chiffres ne prennent pas en compte les morts au combat, car c'était la guerre qui fournissait le gros des sacrifiés. Quand les guerres extérieures ne suffisaient pas, on organisait parfois des guerres civiles sans autre enjeu que le sang à verser sur les pyramides.

Question: Si le sacrifice permettait aux aztèques de "s'automotiver et de travailler plus", et donc de rendre le pays plus "compétitif et plus efficace", plus en harmonie avec les croyances religieuses du moment, ce qui profitait à absolument TOUS les habitants du pays, en quoi le sacrifice était-il un problème?

Réponse: Profitait à TOUS les habitants, SAUF peut-être quand même aux sacrifiés, non? Juste un détail de... 7 millions de personnes pour ce qui nous occupe ici d'après Guaino!


Allez, je vous livre un élément de plus pour éclairer cette belle histoire de "sacrifice-humain-moderne-délibéré-mais-utile":

Dans un bouquin de "vulgarisation" à l'économie (à tendance libérale...), "L’économie sans tabou" (déjà tout un programme) Bernard Salanié écrit en 2004, page 88:

"[...]une baisse de l’inflation ne peut être obtenue qu’au prix de l’acceptation d’un taux de chômage supérieur au taux de chômage structurel [le NAIRU] pendant la période de désinflation.

Pour donner un ordre de grandeur on estime que la valeur du « taux de sacrifice » est entre 2 et 3% : pour réduire l’inflation de 1%, il faut tolérer une augmentation du taux de chômage de 2 ou 3% pendant un an, ou de 1% pendant 2 ou 3 ans. C’est la forme moderne de la courbe de Phillips, parfois évoquée dans les journaux, qui représente les variations de l’inflation en fonction du taux de chômage. Elle rend bien compte du processus de désinflation qu’a connu la France au milieu des années 80."

Eh ben, nous y voilà, c'est encore mieux quand ils l'écrivent: cela s'appelle tout simplement le taux de sacrifice ( pour une recherche en anglais: "sacrifice ratio"), et là c'est très clair. Et ça fait inévitablement penser à cette "novlangue" du troisième REICH qui désignait la barbarie nazie par de doux euphémismes ou une terminologie obsessionnellement gestionnaire... En passant, je conseille à ceux qui pourraient le visionner (il est téléchargeable je crois sur Internet par Emule) de méditer devant un film de propagande nazie de 1934, Erbkrank, montrant les handicapés mentaux, les délinquants, les juifs et les paresseux comme les causes de la misère sociale des ouvriers de l'époque et du chômage massif, et s'adressait donc à ces derniers (le chômage et cette crise furent une conséquence directe du Krach spéculatif de 29, rappelons le). Pour le coup, les rôles étaient décalés d'un cran... Le film dure 20 min, en noir et blanc et sans son. Il vaut mieux lire l'Allemand pour comprendre, bien que le "scénario" soit fort simple et d'une sobriété...glaciale; cependant les astuces liées à la manipulation de l'image ainsi que les amalgames progressifs sont des techniques intemporelles toujours bien en vigueur dans nos chers médias... sur les sujets que nous connaissons!

Bref, pour conclure, on ne peut comprendre le chômage moderne sans l'aborder sous l'angle du sacrifice sociétal: initié par certains mais cautionné par (presque) tous...

Ce que votre dernier message vient d'illustrer de manière éclatante...

Le sacrifice existe toujours dans les sociétés dites civilisées, il a juste pris des formes moins sanglantes mais non moins violentes...


Guillaume de Baskerville